4 écrivains dans le "Vent des Lettres" aux Jardins du Loriot

A l'occasion de la Journée des Peintres et des Ecrivains, organisée le 15 août 2024, aux Jardins du Loriot, quatre écrivains ont relevé un défi de taille : écrire un texte à partir de la nouvelle scène chinoise installée en mai dans le parc et extraite du grand roman chinois "Voyage vers l'Ouest".

Merci donc à Pierre Deberdt qui a coordonné cet amical défi et à ses compagnons, par ordre d'entrée en scène (!), Pierre, vétérinaire à la retraite, écrivain intarissable, peintre et sculpteur, Michel Pelé,  cuisinier également bien connu, diffuse aujourd'hui  tout son savoir-faire en publiant notamment des livres de recettes, avec beaucoup de goût. L'histoire imaginée se poursuit avec Florence Regourd, professeur d'Histoire émérite, pour laquelle rien de l'histoire en Vendée de lui est étranger, y compris dans le domaine de l'art . Il revenait à Roselyne Retureau la redoutable mission de conclure : son expérience de l'écriture des livres de jeunesse a bien servi ce récit cousu à quatre mains.

Pour remercier nos écrivains, et sans doute en raison l'anecdote de La Porte des Chèvres à Fontenay-le-comte évoquée par Florence Regourd dans "Le Voyage du Dragon Petite Goule en Vendée",   je n'ai pu m'empécher de résumer le chapitre  053 - Tripitaka et Porcet font une grossesse démoniaque de Voyage Vers l'Ouest. Où il est question de deux grossesses démoniaques non voulues par Tang Sanzang (Tripitaka) et Porcet (Zhu Bajie). A propos du cochon anthropomorphe enceint, j'ai aussi voulu montrer à Pierre que l'entretien de ses connaissances vétérinaires est sans fin.

LectureP'titeGouleLecture par Pierre DEBERDT du récit écrit avec 3 autres écrivains de Vent-des-Livres le 15/08/2024 aux Jardins du Loriot. Photo de Roselyne Retureau.

Merci aussi à "l'homme de théatre" qui  déclamé ce récit  place des Ogres auprès d'un public attentif.

 

Le voyage du Dragon « p'tite Goule » en Vendée
et plus particulièrement aux Jardins du Loriot.

Je crois pouvoir vous l'affirmer avec certitude, pourquoi me tromperais-je ?, voici ce qui va se passer en 2146, le 15 août, au cœur de la bambouseraie des Jardins du Loriot. Certes me rétorquerez-vous, c'est dans 122 ans. Oui mais, vous le savez bien, c'est précisément tous les 122 ans que le dragon « P'tite Goule » fait des siennes.
Caché ici-même sous un nénuphar, peut-être ? Ayant pris l'apparence d'un panda pour croquer des tiges juteuses, pourquoi pas ? Statufié en granit bleu façon « monture de Moine », c'est possible ! Triton gourmand dégustant un Broyé du Poitou, je ne sais ?
Toujours est-il que l'aventure que nous allons vous raconter aujourd'hui, est vraie, trois fois vraie et vous pourrez aisément le vérifier par vous même le jour venu.

Pierre Deberdt.

 

Mais quel est donc ce drôle d'olibrius, ce drôle d'oiseau, cet emplumé bicolore au chant mélodieux et à la fois bizarre et incongru.

Eh bien, tu ne me reconnais pas ? Je suis le Loriot de la Marguerite, je viens me réfugier au cœur de tes bambous. Oh pardon ! de tes Fargesia jiuzhaigou, ou autre Fargeesia rufa, Phyllostachys. N'oublions pas non plus ces drôles de flèches bleues que sont les Borinda papyrifera, ou le fargesia murielae qu'il ne faut pas confondre avec le 'blue Lizard'.

Toutes ces solides perches, ont-elles aidé à régler quelques conflits sous le royaume de l'empereur de Jade, ou étaient-elles utilisées comme cannes pour réaliser des pêches miraculeuses dont seul Sun Wukong en est pourtant le gardien. Ou bien sûr ont aidé à revenir de la chasse les bras chargés de victuailles grâce à ces filiformes auxiliaires

Mais à propos de chasse et de pêche, quel est ce drôle de petit bestiau, si petit, si poilu, qui navigue à mes pieds, il ressemble à une brosse à reluire. Non, ce n'est pas possible, elle est trop rapide pour cela. Mais non, c'est un petit écureuil, que fait-il dans mes bambous. Que baragouines-tu l'écureuil, que viens-tu me piétiner les bambous ? Pourquoi ronchonnes-tu ? Tu sais très bien qu'il n'y a ici pour toi aucune pitance, ni noisettes, ni glands qui se développent dans ces feuillages, pas même un petit pignon de pin.

Je le sais bien mon petit Loriot, je ne viens pas ici pour me sustenter, mais pour, dans le chaume de votre futaie, m'abriter de la touffeur ambiante. Il n'y a pas même un petit coup de vent de noroît pour me faire hérisser les poils du dos et rafraîchir l'échine. Et puis il me semble avoir aperçu un drôle de vilain dragon à l’œil quelque peu belliqueux à côté de l'étang de Monet ou ces merveilleux lotus bigarrés nagent sur une eau reposée. Alors j'essaie de me cacher pour ne pas être la proie de ses crocs et lance-flammes. Hé oui, je ne sais pas encore que dans ces contrées, le dragon est aussi protecteur et porte bonheur.

Je viens donc me planquer avant de continuer ma pérégrination vers l'ouest. Mais je crois bien que je me suis un peu paumé et pense m'être légèrement mélangé les baguettes en essayant de lire cette drôle de carte I.G.N locale où il n'y paraît que monts et merveilles. Non non, monts et pièges !

Bien sûr, pour certains, je peux paraître un peu fêlé, mais comme le dis si justement Michel Audiard (un vieux pote) « Heureux sont les fêlés, car ils laissent passer la lumière ». Donc je corresponds au profil du lieu.

C'est quand même au moment où, devant moi, est passé le moine Tripitaka ou «patatratika », je ne sais plus ! Sur son cheval Long Wang Sanjun que je n'ai pu m’empêcher de m'incliner devant tant de majesté.

Moi qui rêvais d'un long voyage pour atteindre Thianzhu, je crois que maintenant, vous appelez cette grande contrée l'Inde ? J'y arriverais peut-être en passant par le sommet du mont des fleurs et des fruits. Là où il y a cette incroyable pierre magique qui acquit ses pouvoirs grâce à l’influence du ciel, de la terre, du soleil et de la lune.

Hé oui, rien que cela ! De tout ce petit monde, serait né un œuf, qui sous l'effet d'un bon Zéphyr, se serait transformé en un singe de pierre doté de cinq sens et de quatre membres (tiens, cela me rappelle quelqu'un !).

Bon ben, moi, j'ai l'air malin avec mes trois poils sur le dos, ce n'est pas comme cela que je deviendrais le gardien des chevaux célestes. Ni même serais élevé au grade du mérite du bois de santal.

Donc, je pense que je vais peut-être retourner dans ma futaie de chênes et châtaigniers de ma contrée pour tous les soirs m'endormir dans le lit chaleureux de jeunes feuilles et rêver à ces continents lointains, à leurs poésies et sagesses. Perdurent-elles ?

Chut !
Michel Pelé

 

L’affaire s’avérait bien risquée. P’tite Goule avait laissé dans l’Histoire de très mauvais souvenirs, et spécialement en Vendée où, par deux fois en des temps troublés, le moine Tripitaka fut chargé par l’empereur de Jade de la retrouver.
À l’époque, en 1170, et contrairement à ses habitudes ancestrales, P’tite Goule ne s’était pas tapie au fond des chaos du Piquet -soit dit en passant encore plus chaotiques dans ces temps anciens- mais elle avait divagué, par quels mystères ??? de l’Yon vers le Lay et, de là, par des souterrains creusés dans le calcaire, on l’avait signalée à Saint-Benoist où l’on venait de construire une église. La nef à six travées, le chœur et l’abside orientée à l’Est, faisaient l’admiration des pèlerins venus s’y recueillir. Car la légende de Saint-Benoist ressuscitant l’enfant attirait les foules. Et qui dit pèlerins dit abbé, et qui dit abbé dit proximité des novices et nonains ! D’autant que l’abbaye de Saint-Michel-en-L’Herm n’était pas très éloignée, ce qui attisait la gourmandise de la P’tite Goule. On disait que certains des chapiteaux historiés conservés dans la salle capitulaire la représentaient : l’un en sirène grotesque à la queue torsadée terminée en une sorte de pince, l’autre en être fantastique, le basilic, roi des serpents au regard qui tue. Comme P’tite Goule était réputée pour ses métamorphoses quand elle se sentait menacée, Tripitaka n’en menait pas large. Il gardait, même en 2146, le souvenir de cette expérience douloureuse où son dragon cheval blanc se déroba devant « le lapin qui fume » trônant sur le toit de l’église de Saint-Benoist. Singet se saoula honteusement de pêches de vigne, Sablet disparut dans le bénitier et Porcet se goinfra de lumas de toutes sortes jusqu’à se casser les dents sur une cagouille de pierre, sculptée en haut-relief à l’extrémité de la nef, côté autel. C’était l’avatar de P’tite Goule qui échappait ainsi aux « missionnaires ».
Une seconde fois, le grognon Tripitaka tenta d’attraper P’tite Goule. Il avait bien tancé ses compagnons, les avait abreuvés de conseils et de recommandations de sorte que, normalement, cette année 1536 devait être la bonne pour ramener le méchant petit dragon dans la bambouseraie du Loriot avant qu’elle ne s’acharne sur les gens de Piquet, et, muselée, ne soit renvoyée des Provinces de l’Ouest. Mais…pas de chance, le moine trouillard et sa compagnie s’égarèrent dans les ruelles de Fontenay-le-Comte, en plein dans les affrontements entre catholiques romains et parpaillots. Pris dans une rixe entre la Porte-aux-Chèvres et la Porte-aux-Canes, ils durent fuir, menacés par quelque bande de reîtres, alors même qu’ils venaient de débusquer P’tite Goule qui se prélassait, indifférente au vacarme, sur les rives de la Vendée. Ils tâchèrent de l’attraper entre deux coups de pique et d’arquebuse, mais elle était plus rapide qu’eux, sautant ici, tournant là. On crut la sentir (elle sentait particulièrement mauvais, sortie des marécages nauséabonds) à l’angle des venelles « l’Ours qui pète » et « la Font qui pisse », mais c’est dans l’impasse « des Gros besoins » qu’elle s’envola quasiment sous leurs yeux chevauchant un cheval sellé et bridé, faisant tomber sur la petite troupe impuissante, des étrons fumants. Même Singet, Sun Wu Kong, pourtant promu gardien des chevaux célestes par l’Empereur, ne put s’opposer à ces provocations. Porcet n’eut pas le temps de se servir de son râteau à 9 dents ni Sablet de sa lance magique. On en vint à se demander si GuanYin, elle-même, n’avait pas soudoyé P’tite Goule pour mettre encore à l’épreuve Tripitaka !
La petite escorte décida sagement de s’en retourner à la bambouseraie du Loriot en attendant des jours meilleurs !

Florence Regourd

 

Dans un immense jardin exotique, les couleurs vibrent et les senteurs flottent dans l'air.
Le soleil doré du 15 août baigne chaque recoin de lumière.
C'est le moment où Su Wukong, le roi des singes, peut de nouveau user de son pouvoir de transformation, un don qui lui permet de se métamorphoser en n'importe quel être vivant.
Tripitaka, le moine sage et déterminé, est conscient que retrouver Su Wukong dans ce jardin luxuriant, ne sera pas une tâche facile. Avec son esprit malicieux, le roi des singes pourrait prendre n'importe quelle forme, du plus petit insecte à la plus majestueuse créature. Armé de son bâton magique pouvant s'allonger et se rétrécir à volonté, Tripitaka se dirige vers les sentiers sinueux du jardin. Il essaie de se concentrer sur la voix de son ami, en espérant qu'elle le guidera vers lui.
- Su Wukong, où es-tu caché ? Ne te joue pas de moi !
Un bruissement attire son attention. Un papillon aux ailes chatoyantes vole au-dessus de lui. Il pivote dans les airs et, avec un ricanement malicieux, se pose aux côtés de Tripitaka. Avant que celui-ci ne puisse réagir, le papillon se transforme en un magnifique singe espiègle.
- Tu m'as trouvé si vite, cher maître, dit Sun Wukong. Je voulais m'amuser un peu avant de revenir à la réalité.
Soulagé, Tripitaka réprimanda malgré tout Sun Wukong.
- Tu sais bien que nous avons encore un long chemin à faire ensemble !...
- Quel plus beau chemin que celui de l'aventure, Tripitaka !

Roselyne Retureau