Jardins du Loriot, paradis des peintres
Le Grand Atelier de Pastel organisé par l'association Pastel à l'Ouest de Venansault a rassemblé plus de 50 pastellistes de toute la France. Une vingtaine d'artistes sont venus aux Jardins des Loriot pour réaliser une œuvre sur le motif le samedi 5 octobre 2019 entre 10 h et 17 heures. Le temps, la bonne humeur, l'inspiration et l'amicalité étaient au rendez-vous.
Le Chant du Lotus - œuvre du pastelliste Patrick BECHTOLD
Accompagnés par Philippe RENAUD, président de l'association Pastel à l'Ouest, les artistes ont été invités à découvrir le parc afin de permettre à chacun de choisir rapidement son motif . D'autres artistes sont arrivés au cours de la journée, occupés en matinée à d'autres animations proposées à Venansault.
POUR VIVRE HEUREUX VIVONS CACHE ?
Nous commençons par une artiste angevine qui adore réaliser ses tableaux dans des endroits insolites ou cachés : il a donc fallu la trouver pour l'apprécier ! Avec ses enfants et petits enfants vivant à St Gilles-Croix-de-Vie nous avons pu découvrir sa cache ! Il nous a semblé deviner qu'elle aime recréer des ambiances féériques avec une palette de pastelles qui nous transporte dans un monde mystérieux et magique.
Coucou je suis là ! Joëlle GELINEAU, pastelliste.
Plusieurs artistes ont réalisé leur œuvre avec un temps record, au point qu'il fallait être à l'instant présent et au bon endroit pour apprécier leurs talents remarquables. Heureusement quelques photos ont pu être prises à temps !
Le mixed-border G. Jelkyll et le massif F. Kingdon Ward des Jardins du Loriot - Pastel de M. Michel BRETON de Rambouillet
D'autres pastellistes ont choisi les bassins dédiés à l'amitié Monet-Clemenceau.
Comme par enchantement, les pastellistes installés tout autour de l'étang central ont pratiquement passé toute la journée pour réaliser leur tableau. Autant d'occasion de dialoguer avec eux et de saisir les étapes de réalisation de leur motif. Rapidement, nous avons trouvé des points communs entre la réalisation d'une œuvre et la conception de scènes paysagères dans un parc. L'inspiration, l'interprétation, la recherche de l'harmonie des formes et des couleurs, le temps donné au temps, sont autant d'éléments nécessaires à la création artistique.
Plusieurs artistes étaient installés sur la digue est-ouest du grand étang, saisissant des scènes perceptibles côté nord-ouest.
L'EAU ET LA LUMIERE
C'est le cas notamment de José DAOUDAL, qui, avec beaucoup d'enthousiame a réalisé deux pastels dans la journée représentant pratiquement la même scène, mais avec des jeux de lumières et de couleurs différents. On sent en lui un enthousiasme, communicatif, à la vue d'un paysage qui se mire dans le miroir de l'eau. Le paysage est sans nul doute son sujet privilégié, voire son élément vital.
Sa sensibilité bretonne est en permanence en communion avec "La beauté de la nature". C'est elle "qui m'a motivé à devenir peintre paysagiste" confie-t-il à la revue Dessins et Peintures. Dans la lignée de Claude Monet, la vie de José DAOUDAL se passe dans les paysages composés par l'eau et la lumière. Ces deux éléments essentiels à la vie sont en résonnance, ils "se répondent dans des jeux de reflets et de variation de la ligne."
José DADOUAL, une vie dans le paysage
et une des ses œuvres.
La pastelliste Amandine PAILLARDY
Vers le chemin de la Salamandre d'après Dany MASSON
D'autres pastellistes se sont installés sur la berge opposée, près du pont Moulin-Joly, symbole du premier jardin anglo-chinois en France créé par Claude-Henri Watelet. Rappelons qu'un jardin anglo-chinois est un style créé au XVIIIième siècle. Son tracé est irrégulier, contrairement aux jardins à la française. Sa conception est envisagée pour produire des effets "naturels". Il est synonyme de jardin pittoresque car il est composé d'une suite de scènes issues de la peinture de paysage. A l'inverse des jardins à la française, prolongement architectural en harmonie avec une batisse ou un château, le jardin pittoresque est une invitation à développer l'imagination du visiteur, à stimuler son sens de l'observation et... bien sûr à libérer la créativité de l'artiste peintre. Telle est la démarche qui a inspiré les jardinistes des Jardins du Loriot et mais aussi, probablement, et attiré les artistes installés sur le côté Nord Ouest de l'étang des lotus.
Plusieurs artistes situés près d'une grande lanterne chinoise de granite se sont adonnés à un travail d'interprétation des formes et des couleurs de scènes visibles sur l'Ile de Jade, habitée par un dragon monumental rentrant dans les eaux à proximité d'un petit observatoire d'oiseaux. Ils ont laissés libre cours à leur propre imaginaire. Watelet, un des tout premiers créateurs de jardins anglo-chinois en France, insiste beaucoup dans son Essai sur les jardins sur l'imaginaire que peut éveiller un tel type de jardins. Cet imaginaire n'est pas uniquement suscité par des éléments décoratifs (cascades, grottes, ponts, pavillons...) venus tout droit des jardins chinois, mais aussi par des références littéraires, de la poésie, sous forme d' inscription dans les arbres. Mais l'aspect le plus novateur de l'Essai de Watelet réside dans l'idée que le jardin pittoresque n'impose pas un regard sur lui mais stimule les sens du visiteur. L'œuvre d'art est une invitation de l'observateur à découvrir de lui-même des "cônes de vue" susceptibles d' éveiller son imagination et d'augmenter sa perception sensorielle de la nature, ses impressions. De la même manière, le jardin pittoresque peut être ainsi conçu. On comprend mieux les théories appropriées et appliquées par ce petit groupe de pastellistes que nous venons d'évoquer à l'instant.
A gauche Catherine CANNAT, dissimulée par son chevalet RHODE-BALENS, à droite, Karen FAUCHEUX.
Un pastelliste local s'est installé sur le plateau d'un stupa pour s' emparer d'un massif composé de roses, de cléomes, de sauges, de dahlias, d'hédichiyum de l'Himalaya.
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Le massif de Simaguang aux Jardins du Loriot vu par un pastelliste vendéen Joé FESSEAU.
LE CHANT DU LOTUS
Patrick BECHTOLD, ce merveilleux et chevronné pastelliste venu d'Alsace-Lorraine, a saisi le paysage des lotus flavescens créés par l'horticulteur Bory Latour Marliac à la Belle Epoque. Etonnantes ces roses d'eau encore en pleine floraison en ce début d'octobre qui ne font que demander de la lumière et encore un peu de chaleur dans leurs corolles érigées en attitude liturgique vers le cosmos.
Ses lotus automnaux nous rappellent que c'est à la même saison que Clemenceau exhortait son ami Claude Monet à venir en Vendée visiter son jardin et sa bicoque à Saint-Vincent sur Jard (à l'époque de l'inauguration du groupe de poilus sous la bannière du Tigre à Ste Hermine) en lui écrivant : venez vite il y a encore des lotus dans un prè, venez avant que les vaches ne finissent par les manger !
Patrick BECHTOLD a composé ce jour un morceau, selon l'expression du critique d'art Octave Mirbeau et grand ami du Maître de Giverny. Sa démarche de création consiste à interagir sans cesse avec son motif ; la composition de son pastel est à la fois très tactile, très structurée et puissante dans son interprétation. Elle se métamorphose par le cloisonné des couleurs et les jeux de lumière. Il se dit influencé par Berthe Morisot (membre fondatrice du mouvement impressionniste). La belle sœur de Manet était une familière des jardins, on pense à ses roses trémières, à ses jeux d'enfants. Mais il y a une recherche propre à Patrick BECHTOLD, en voyant son œuvre peut entendre raisonner la voix de Pierre Larquey et de Gérard Philippe, donneurs de voix dans Le Petit Prince : " Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux". - L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.". Sa longue et patiente formation lui a ouvert les yeux sur "la nécessité de peindre "l'esprit du sujet" et non pas s'attacher à la description de la simple apparence". Il nous semble, en regardant, par exemple, un de ses portraits représentant une thibétaine, que l'artiste arrive, en restituant son regard intérieur, à nous faire deviner, sinon l'âme de cette femme, au moins ce qu'elle ressent à l'instant saisi.
Patrick BECHTOLD perce aussi les secrets de la couleur, il fait vibrer sa matière, ses batonnets de pastel. C'est un vrai compositeur de scènes colorées et musicales. Tandis que certains artistes imaginent de la couleur dans leurs compositions musicales, lui imagine de la musique dans ses pastels. Tel ce Chant du Lotus.
MOMENTS DE PARTAGE
Il a su communiquer cette petite musique venue du ciel, tout partageant son expérience avec une amie pastelliste. Et c'est avec beaucoup d'entrain et d'enthousiasme que Patrick BECHTOLD, rôdé à l'animation de stages de pastel depuis longue date, a su concilier tout au long de la journée création et transmission de son savoir-faire.
Patrick Bechtlod fait vibrer ses couleurs au point de les faire chanter...
Version finale de son Chant du Lotus
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Journée nationale Pastel à l'Ouest, sous l'égide de l'amicalité : Marthe SALAVIN, une amie pastelliste de Patrick BECHTOLD, accompagnée par un autre ami pastelliste !
ENTRE LE CIEL ET LA TERRE
Enfin, last but not least, quelques mots sur l'artiste pastelliste grenobloise Mireille LEDRAPPIER et son morceau de choix.
Si l'on peut apprécier les pastellistes créant une œuvre remarquable en un temps fulgurant, en contrepoint nous pouvons mieux distiller le talent des artistes qui ont besoin de s'inprégner des lieux, de choisir leur sujet, de procéder à la création par étapes, par superpositions, avec des pauses pour s'imprégner des lieux à 360°. Puis, finition en atelier. Quelle joie de l'avoir rencontrée, quel bonheur de la voir sur le motif réaliser avec tant de talent, mais aussi de jubilation, ce pastel où jaillissent ces cléomes aux tons roses et violets sur le miroir de l'eau profonde éclairée par une cascade de lumière météoritique.
En admirant aussi la version finale, nous mesurons la chance d' avoir vu œuvrer une pastelliste-alchimiste ! Comme dans les lettres des jeunes filles en fleurs dont parle André Gide, l'essentiel pourrait-il se trouver dans le post-scriptum ? Elle a su transmuter des gerbes de couleurs incandescentes, irisant un champ bleu-gris ondulant sous le vent d'une force tellurique en un tableau où se rencontrent, paisiblement, le ciel et la terre. Nous avons entrevu, dans l'œuvre sur le motif de Mireille LEFRAPPIER, un style nul part égalé, et c'est la marque rare d'une grande artiste.
Mireille LEDRAPPIER, pastelliste accomplie fascinée en ce début d'octobre par les cléomes roses-violettes, comme les aimaient tant Claude MONET
L'impression des lumières et l'harmonie des couleurs se conjuguent avec bonheur avec le réalisme de ses cléomes.
Si nous pouvons regretter que l'information d'une manifestation d'un niveau exceptionnel n'ait pu atteindre un public habituellement conquis par la peinture sur le motif aux Jardins du loriot, nous ne pourrons oublier cet atelier animé par des pastellistes enthousiastes et talentueux, dans le cadre d'un Grand Atelier de pastel remarquable. Et; nous pouvons reprendre, sans l'ombre d'un doute, la question liminaire du Vittellois, Sylvain LOISANT, Maître pastelliste, invité d'honneur du Grand Atelier de Pastel à l'Ouest : "Comment pourrait-on vivre sans art ?" et un de ses éléments de réponse : "la peinture n'est pas la cerise sur le gâteau, mais la farine du gâteau.".
Jacques Chaplain - co-créateur des Jardins du Loriot.
Mise à jour 25/10/2019