Le Jardin de la Joie Solitaire selon Su Shi
Su Shi était probablement ce que l'on appelle aujourd'hui un polymat : les talents de ce lettré étaient multiples (poésie, calligraphie, peinture, gastronomie). Son érudition lui avait permis de réussir les concours pour devenir haut fonctionnaire.) Fidèle ami et partisan de la ligne politique défendue par Sima Guang (qu'il nomme junshi) en opposition au réformateur, mais aussi immense poète, Wang Hanshi, Sima Guang n'a pas manqué de lui envoyer sa "Description du Jardin de la Joie Solitaire", son célèbre jardin qu'il avait créé à Luoyang, deuxième capitale de la Chine sous les Song du Nord. Su Shi, lui-même évincé ( banni et exilé) du conseil de l'empereur, exhorte implicitement Sima Guang à sortir de sa retraite et à participer, à nouveau, au gouvernement. Ce poème nous intéresse sur l'idée que Su Dongpo (autre nom du poète) se fait de son ami dans sa retraite de jardinier et de mémorialiste. Avec humour, Su Shi met bien en évidence la solitude apparente voire paradoxale de Sima : son jardin est certes un lieu de ressourcement, un havre d'apparente oisiveté mais en même temps c'est aussi un lieu de rencontre de ses amis. Sa solitude est loin de le faire oublier, bien au contraire ! Alors il n'y a qu'un pas à franchir pour qu'il revienne au pouvoir. Ce qu'il fera, non sans hésitation.
"Le jardin de la joie solitaire de Sima Junshi"
Au-dessus de votre demeure, il y a des montagnes vertes ;
Au-dessous d'elle, des rivières y coulent.
À l'intérieur, il y a un jardin de cinq mu,
Où les fleurs et les bambous sont à la fois élégants et sauvages.
Le parfum de la fleur assaille votre canne et vos souliers;
La couleur du bambou envahit votre tasse et votre cruche.
Avec des gobelets de vin, vous profitez de la fin du printemps ;
Avec des jeux d'échecs, vous passez le long été.
Luoyang a vu beaucoup de gentilshommes depuis les temps anciens ;
Ses coutumes sont toujours aussi nobles aujourd'hui.
Restez chez vous, Monsieur, et ne sortez pas !
Pourtant, vous attirez tous les membres des cercles amicaux de Luoyang.
Bien que vous partagiez votre joie avec tout le monde,
Il y a quelque chose dans lequel vous vous éjouissez dans la solitude.
Votre talent est parfait ; mais vos vertus ne s'expriment plus au dehors ;
Vous êtes fier d'être connu par peu de gens ;
Pourquoi, parlez-vous de la solitude ?
Les quatre mers se tournent vers vous pour vous édifier.
Les enfants chantent junshi ;
Les fantassins connaissent Sima.
Où vous tournerez-vous avec tout cela ?
Le créateur-de-toute-chose ne vous laisserait pas partir.
La gloire nous poursuit.
Telle est la peine infligée par le Ciel.
En tapant dans mes mains, je me moque de vous, Monsieur,
Pour avoir imité les sourds et les muets pendant des années.