Du chant des oiseaux aux Jardins du Loriot

A  Madame Boesch, fée des jardins.

 

Installés depuis 1975 sur cette terre de bocage, nous y sommes des "survenus" ! Qui n'est pas venu de quelque part ! Effectivement Monique est née à Limoges, petite fille de métayers vivant sur le bord de la Vienne près  de Saint-Léonard-de-Noblat. Là où les habitants  s'appellent "Les Mioletous", car au Moyen-Age, autour du clocher de l’église, volaient des espèces d’oiseaux (buses, milans, corneilles) qui avaient un cri très particulier. En patois, on les appelaient alors des ’miaules'.

Un homme heureux

Puis. quelques jours plus tard après cet heureux événement,  il est advenu, toujours sur les bords de la Vienne, celui qui allait devenir, 22 ans plus tard son compagnon... également de jardinage ! Je suis né,  en Haut Poitou (en fait,  à plus base altitude que le Bas Poitou, ancien territoire de la Vendée !), près du lieu dit du "Chant des Oiseaux" à Châtellerault. Je suis le petit-fils d'un petit agriculteur de "La Martinière" devenu ouvrier-armurier dans la fameuse manufacture installée sur  la Vienne et l'Envigne. Il s'appelait Léon.  Louis, mon grand-père paternel était tailleur militaire, puis aussi tailleur pour dames ! Un homme heureux sorti lui-même, dès l'âge de 14 ans, de la misère noire d'une famille de  portefaix de la banlieue parisienne. Puis à la retraite, installé non loin du château du verger, il a cultivé son jardin et taillé ses arbres fruitiers (j'ai toujours son Manuel du Bon Jardinier, de Larousse, l'éditeur qui sème à tout vent !). J'ai aussi bon souvenir que, près de ma maison natale, à une envolée de la côte du verger, des hirondelles de rivage faisaient leur nid troglodyte dans les parois de sable d'une petite carrière.nommée "Chant des Oiseaux", tandis qu' une voisine,  Mme Boesch, me faisait partager la joiie de visiter au clair de nuit, les soirs d'été,  son jardin enchanté  rythmé par ses pergolas couvertes d' ipomées bleu-nuit. "Des volubilis élargissaient le cœur découpé de leurs feuilles, sonnaient de leurs milliers de clochettes un silencieux carillon de couleurs exquises"..(E. Zola. La Faute de l'abbé Mouret). Le simple sifflement  du mot  volubilis prononcé par cette grand'mère  au regard d'un bleu pastel et perçant, éveillera sans cesse en moi le désir d'accéder à un petit bout de paradis. J'ai fini par comprendre au fil des ans que cette bonne fée m'avait transmis, silencieusement, la mission de façonner, avec amour un  jardin, sans doute dans la fraîche perspective d' être heureux.

Polysémie

Des visiteurs  des Jardins du Loriot venus de la Croix-Merlet (Châtellerault), lieu-dit à deux pas du "chant des oiseaux"; m'ont appris récemment qu'un peu plus haut sur la colline il y a aussi un "champ des oiseaux". Dans l'ordre des champs que je voudrais éternel. Un peu plus haut encore, un chemin conduit tout droit au Château du Verger. Jean de La Fontaine y était venu rencontrer sa cousine Pidoux. Le printemps illuminait le visage juvenile de la belle Jeanne (!). Le fabuliste impertinent, et quelque peu amouraché de Jeanne,  s'en allait à Limoges, victime collatérale de la jalousie de Louis XIV. Imaginez, son grand intendant Fouquet avait créé à Vaux-le-Vicomte un   jardin magnifique,  plus beau que celui du Roi Soleil ! Nec pluribus impar, son "paradis",  était-il a nul autre pareil ?

Polyphonie

Je reviens à... mes oiseaux ! En glanant sur la toile des informations à propos du  fameux  "Chant des Oiseaux" de Clément Jannequin, j'ai été heureux d'apprendre que ce compositeur était  natif de Châtellerault (1485). Dans son enfance, entre l'église Saint-Jean Baptiste et la Vienne, le jeune Clément chantait dans la psalette (il s'agissait d'une  maîtrise très réputée composée d'un petit nombre d'enfants de choeur) de l'église Saint-Romain. Pur chauvinisme de ma part ? Toujours est-il que ce chant d'imitation des sons de la  nature, notamment par des onomatopées, me touche singulièrement, par sa poésie, son rythme novateur et aussi par sa signification à double fond qui n'aurait pas déplu à La Fontaine (il y a en toute chose un envers du décor), s'agissant précisément du "chant des oiseaux".....

A la manière de Sima Guang  qui aimait, dans la tradition confucianiste, dédier chaque  espace de son  son Jardin de la Joie solitaire à la mémoire d'un sage ou d'un poéte (ex :Tao Yuanming), nous avons appelé nos jardins du nom du Loriot pour honorer la gente ailée. Une des stations s'appelle "Chemin vert de la Renaîtrie". Il fait indirectement référence au "Chant des Oiseaux" et à Clément Jannequin. Mais aussi plus simplement à la nature et à la "Renaissance".correspondant aux cycles de la vie.  Les oiseaux comme les fleurs ne sont-ils pas, entre ciel et terre, mais aussi entre les continents,  nos meilleurs messagers ? C'est un grand plaisir pour nous de revoir, vers le 22 mars, les fidèles  hirondelles, et d'entendre, quelque trois semaines plus tard, les premiers chants des loriots... Ces merveilleux migrateurs nous invitent à continuer de cultiver notre jardin et à continuer à préserver l'  environnement dans sa biodiversité et sa beauté.naturelle !

Après ces petites confidences, je vous invite à écouter différentes interprétations de  cette magnifique et universelle création... du chapelain Clément Janequin. Avec un peu de curiosité nous saurons que son oeuvre est connue dans le monde entier. Il y a du génie dans l'air !

 

 

Jacques Léon Louis Chaplain - Les Jardins du Loriot - 9 avril 2023