Les grenouilles de Vitold de Golish
Blick « Le Blog du Loriot » n° 4 - Dimanche 5 mai 2024.
Pourquoi Les Jardins du Loriot sont influencés par l'Extrême Orient ?
Comment l’accent de Vitold de Golish m’a fait découvrir l’univers birman et l'Asie ?
De nombreuses personnes croisées aux Jardins du Loriot me demandent la raison pour laquelle ils ont un accent asiatique. J’ai toujours eu de la peine à répondre de façon claire et nette. Créer un jardin est un rêve d’enfance, entretenu par une pratique familiale ancestrale. Mais pourquoi cet aimant puissant qu’est l’extrême orient et l'Indochine a produit son effet sur l’esprit du parc ?
« Le hasard ne profite qu'aux personnes qui s'y préparent » Lous Pasteur.
A bien y réfléchir, un mot a changé mon regard sur un monde extérieur à celui, feutré, de mon enfance, et par un étrange ricochet, a modifié la façon de faire évoluer le style de notre jardin familial. Je vais vous raconter l’histoire de la « Grenouille » de Vitod de Golish. Ce tout petit détail de mon histoire familiale.
Au cinéma Rex, bien avant l’arrivée de la télévision dans notre foyer, en famille nous allions écouter, voir et découvrir des pays lointains tel celui où habitent les « Femmes girafes » dans une partie de l’Etat où vivent la population Karenni, à l’ Est de la Birmanie, à proximité de la Thaïlande. Avec sa « lampe de chevet » focalisée sur ses notes, son micro et son magnétophone le conférencier, Vitold de Golish nous avait fait entrer, de façon captivante, dans la jungle birmane pour découvrir son peuple, ses habitudes, sa flore et sa faune, jusqu’à qu’à l’univers des batraciens aux variétés infinies dans cette région du monde. Comme la « Madeleine de Proust », le mot grenouille prononcé par le conférencier, avec ses intonations slaves, avait fait sourir mon père. Pour quelles raisons ? je ne sais pas (peut-être se souvenait-il de l’accent de son arrière-grand-mère paternelle). Toujours est-il que, depuis cette séance, la simple vue d’un batracien ou le mot "grenouille" évoquait chez mon père, le nom du conférencier et l’univers de l’ancien empire des Indes. La grenouille s’était faite plus grosse dans notre esprit que les éléphants conduits par les cornacs karenni !
Bien après le temps des « Connaissance du Monde », à l’issue de mes études universitaires, j’ai choisi de réaliser et de soutenir en en 1971-1972 des recherches en sciences politiques sur l’instauration de la dictature du général Ne Win en Birmanie et sur la lutte armée qu'elle a provoquée. Le hasard du mot « Krenouille » m’avait offert l’opportunité de découvrir, quelques temps auparavant, les travaux d’ethnologues et d'autres anthropologues (que Vitold de Golish). Par cette pure contingence et ma curiosité grandissante, j’ai ainsi entrevu, derrière le sourire des femmes girafes, une réalité douloureuse, celle d’une dictature durable qui classe aujourd'hui ce pays entre la Corée du Nord (soutien avec le Russie du « Myanmar"), et l’Afghanistan en ce qui concerne les libertés publiques. Le classement n'est pas mieux au regard de l'indice de richesse de la population. Vitold de Golish ne serait pas surpris en apprenant que les irréductibles Karenni jouent aujourd'hui un rôle majeur pour un retour à une paix durable en Birmanie.
Depuis ce temps de jeunesse je suis très attaché à cette nation, à sa richesse culturelle, à la beauté de ses paysages - et suis de près le combat quotidien du peuple pour un retour durable à la démocratie.
« La beauté n’a de sens que si elle est partagée » Georges Orwell (Une histoire birmane, 1934).
Les Jardins du Loriot sont de plus en plus nettement marqués par cet attachement à la Birmanie et à l’Asie. Au point qu’un de mes petits-fils, Léandre, a scellé ce lien indéfectible par un mot aussi délicieux que celui qui résonnait dans les oreilles de Daniel, mon père : « Papy, ton Jardin on dirait une petite Birmanie !». Indirectement notre parc est aussi un hommage. à la jeunesse birmane. En pleine guerre civile, bien au-delà de l’ethnicité dans laquelle les dictateurs ont enfermé les 135 ethnies qui composent l'Etat birman, cette belle nation, cette courageuse jeunesse veut à tout prix le retour à la démocratie. Et jouir de la magnificence de ses paysages, de ses jardins, de ses richesses, et d’une forme de beauté du monde observable dans le miroir universel d'une humanité bienveillante.
Jacques Chaplain
Quelques mots sur Vitold de Golish
Le comte Vitold de Golish, né le 9 avril 1921 à Złoczów en Pologne (aujourd'hui en Ukraine) et mort le 17 juillet 2003 dans l’Eure, est un explorateur et écrivain d'expression française.
Autant archéologue qu'ethnologue, conférencier ou cinéaste, il vécut dans l'Eure. Dans son petit « Manoir du val » pourvu d'une jolie petite tour, il consacra sa vie à faire rêver, par le récit de ses aventures et ses expériences d'explorateur et d'archéologue, non seulement les lecteurs mais aussi les spectateurs de ses films long-métrage projetés pendant les conférences qu'il donnait régulièrement en France et à l'étranger.
Arrivé très jeune en France, patrie de ses ancêtres étaient déjà d’une famille d’architectes, il entreprend des études d'architecture à l'école des Beaux-Arts de Paris. Commence alors sa vocation de voyageur. Passionné par l'Asie, il organise en 1950 une expédition vers l'Inde et la Birmanie, baptisée « Tortue », en raison de sa grande lenteur. C'est le début d'une extraordinaire fidélité cette région du monde : vingt-trois séjours, représentant près de quinze années de sa vie à rencontrer des tribus inconnues du grand public, notamment celle des Femmes-Girafes et Femmes-Éléphants, à étudier des temples et monastères...
La chance s'offre à lui dans l'univers des Maharajahs. Pour avoir écrit leur Histoire générale, il reçoit le titre de Rajah, distinction exceptionnelle pour un Européen, ce qui lui permet de rapporter un témoignage unique, tant écrit que filmé sur leur vie intime.
Durant les années 1960, il participe régulièrement à l'émission de Pierre Sabbagh, Le Magazine des explorateurs. Il a publié des reportages dans Paris Match et présenté des conférences Connaissance du Monde qui avait lieu dans des salles de cinémas de nombreuses villes de France.
Texte légèrement adapté à partir de Wikipedia FR