Les Explorateurs, chasseurs de plantes en Chine - 2 - Le Père Paul-Guillaume FARGES
Index de l'article
- Les Explorateurs, chasseurs de plantes en Chine
- Missionnaires botanistes français
- 1 - Le Père Jean-Marie DELAVAY
- 2 - Le Père Paul-Guillaume FARGES
- 3 - Le Père André SOULIÉ
- 4 - Le Père Armand DAVID
- Les collecteurs de plantes anglo-saxons
- 5 - Frank Nicholas MEYER
- 6 - Reginald FARRER
- 7 - George FORREST
- 8 – Frank KINGDON WARD
- 9 – Joseph ROCK
- Article Ouest France sur le Circuit des Explorateurs
- Toutes les pages
02 - Père Paul FARGES
Le Circuit des Explorateurs
aux Jardins du Loriot
Résumé
Paul-Guillaume FARGES est affecté très jeune aux Marches du Tibet, en 1867. Il mène une vie de privation et se retrouve très isolé avec des petites communautés chrétiennes souvent incomprises par les lamas. Beaucoup plus tard, il est sollicité par le Muséum d’Histoire naturelle de Paris pour réaliser des collectes de plantes au Sichuan. Grand marcheur, méthodique, il devient un excellent botaniste : il va collecter 4 000 spécimens de plantes dont de nombreuses nouvelles espèces pour la science. A. Franchet, du Muséum, attribue, en reconnaissance de l’œuvre botanique du Père Farges, le nom de Fargesia à un genre des bambous cespiteux devenus aujourd’hui très populaires dans nos jardins.
Pour honorer le Père Farges, un massif des Jardins du Loriot lui est dédié. Il est signalé par le Balise chinoise n° 2 près du panneau Jean Houzeau de Lehaie, au début du Chemin des Lotus - station n° 7)
Paul Farges
Originaire du Tarn-et-Garonne, il arrive en Chine en 1867, à l'âge de 23 ans. Il est destiné à œuvrer dans la partie orientale du Sichuan. Cette province (du nom des 4 rivières qui alimentent le fleuve bleu) est située dans une région montagneuse proche de l’Himalaya, au nord du Yunnan et à l’est du Tibet. Ses hauts sommets (6 000 à 7 000 mètres) émergent d'une couche brumeuse et humide qui favorise le développement d'une végétation particulièrement épaisse. Un proverbe chinois dit : « Le chemin du Sichuan est plus difficile que de monter au ciel.» ! Le Sichuan est une province très peuplée, composée de 15 ethnies.
Il s'engage dans une Mission dangereuse
Le Père Farges est envoyé seul dans plusieurs districts reculés où se trouvent de petites communautés chrétiennes. La situation est régulièrement très tendue : en effet, aux massacres des chrétiens répondent des répressions impitoyables ordonnées par l'Empire chinois sur les responsables bouddhistes. Retour à la mission de Chengdu. Malgré toutes ces difficultés ajoutées à une grande solitude (ses plus proches confrères vivent à plusieurs jours de voyage vers le sud), Paul-Guillaume Farges y restera 29 ans. Il ne retournera plus jamais en France.
Il mène une vie de sacrifice à laquelle il a été préparé aux Missions Etrangères à Paris : il vit frugalement (le vin est réservé pour les offices, pas de pain). Il introduit avec succès plusieurs variétés de pommes de terre, de topinambours et de seigle bien supérieures aux variétés traditionnelles. Les envois réalisés par Maurice de Vilmorin en contrepartie des graines collectées par le Père Farges pour l’Arboretum des Barres améliorent le bien-être de la population.
Excellent botaniste
Lorsqu’Adrien Franchet, chargé de la description et de la classification des plantes au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, prend connaissance de l’intérêt du missionnaire pour la botanique, il lui écrit en 1891 pour qu’il contribue à la collecte des plantes du Sichuan inconnues en France. Il accepte avec enthousiasme, mais il fait savoir à son correspondant que les plantes du Sichuan ne se trouvent souvent que dans les endroits les plus inaccessibles, ce qui signifie qu’il doit trouver des hommes assez courageux pour grimper et collecter les plantes à l’aplomb de précipices et de ravins.
Des conseils très pratiques sont apportés par le Muséum, par exemple, pour la collecte des plantes, la constitution des herbiers (séchage, présentation, étiquetage), leur conservation et leur expédition. En contrepartie de ce travail, le Muséum envoie une indemnité à chaque expédition. Elle permet de rétribuer porteurs et collecteurs qui assistent le missionnaire et d’améliorer les conditions de vie de la communauté.
Courageux, grand marcheur, méthodique et bon connaisseur de la flore du Sichuan, le Père Farges va envoyer à Franchet et à ses collègues des milliers de spécimens, y compris de nombreuses nouvelles espèces essentiellement collectées dans la Daba Shan, une chaîne de montagnes relativement basses. Les sommets dominant Chengdu - ne dépassent pas 2 500 m. et séparent le nord-est du Sichuan de la province du Shaanxi.
Sur le plan botanique, la région n’est pas aussi riche que le Yunnan, mais la flore est variée, avec un grand nombre de plantes ligneuses, et le Père Farges a pu envoyer à A. Franchet plusieurs grandes collectes annuelles.
Un nouveau genre de bambou : Fargesia
Au nord du Sichuan, sur les monts Daba, le Père Farges collecte un type de bambous bien différents de ceux qui poussent dans les provinces chinoises de moyenne et basse altitude. Ils poussent en touffe (= cespiteux) et mesurent de 2 à 5 m. Jusqu’alors ils sont mal connus. Parmi les nombreuses espèces, le Père Farges va en recueillir une seule, probablement parce qu’elle est en fleur (phénomène assez rare chez les bambous). A partir de ce seul échantillon, A. Franchet crée un nouveau genre appelé Fargesia en l'honneur du missionnaire. Il désigne cette espèce spathacea (car ses feuilles sont en forme d’épée). Fargesia spathacea est sans doute la première espèce décrite. Quelques années après, E. Wilson rapporte en Angleterre un autre Fargesia qu'il dédie à sa fille qui vient de naître (Muriel ==> Fargesia Murielae). Jusqu’en 1982, seules 2 espèces sont connues en Occident. Aujourd’hui c’est l’un des genres de bambous les plus importants : en 1998, 120 espèces de Fargesia sont collectées dans les provinces du Sichuan et du Yunnan. Le genre Fargesia est aujourd’hui assimilé à un genre plus large qui inclut des types de bambous tels que Yushania, Borinda…
Les espèces de bambous les plus appréciées aujourd’hui par les jardiniers sont du genre Fargesia. Exemples : F. robusta pingwu, F. robusta wolong, F. Juizhaigou, F. angustifoflia… La désignation de ces espèces est souvent simplifiée en jardinerie ex : Fargesia Red Panda (pour F. Juizhaigou), Fargesia Rufa (pour F. dracocephala), Fargesia angustissima (pour Borinda a.). Ainsi, sans que nous le sachions, il y a souvent un souvenir du Père Farges qui subsiste dans beaucoup de nos jardins.
Quelques espèces de plantes dédiées au Père Farges : Abies fargesii (sapin), Arisaema f. (sorte de grand arum), Bashania f. (bambou), Catalpa f., Clematis f., Clerodendron trichotomum f., Decaisnea f., Epimedium f.,(fleur des elfes), Paulownia f., Primula f. (Primevère), Rhododendron oreodoxa var. f., Betula f. (bouleau). Les 175 plantes portant l’épithète ‘fargesii’ ne représentent qu’une petite partie des milliers de plantes qu’il a découvertes.
Une course entre l’Angleterre et la France, pour planter "l'Arbre aux mouchoirs"
En 1893, Franchet demande au Père Farges des semences de Davidia involucrata, l’arbre aux mouchoirs du Père David. Il souhaite que la France ait l'honneur d'y faire pousser le premier spécimen. Il faut aller vite car D. involucrata ou encore arbre aux colombes a été collecté récemment au Sichuan par un Anglais. L'espèce est assez commune autour de Chengdu mais les conditions de cueillette difficiles (question de maturité des graines). Sur les 37 graines expédiées en 1897 par le missionnaire à Maurice de Vilmorin, un seul plan survit aux Barres fin 1899. 4 branches sont prélevées pour être bouturées. Seules deux des boutures survivent. Vilmorin encourage le Père Farges à collecter d'autres semences en vue d’assurer la pérennité de cette magnifique plante en France et de répondre à la demande des propriétaires de parcs qui s’enthousiasment pour l’arbre aux pochettes (autre nom populaire du D. involucrata). Un an après Vilmorin, le pépiniériste Veitch réussit les semis des semences envoyées par son chasseur de plantes, Ernest Wilson. Le Père Farges a l’avantage de vivre sur place, il sait sans hésitation où et quand retrouver les fameux arbres avec des fruits matures.
Epuisé par ses expéditions
Fin 1900, le Père Farges expédie ses dernières découvertes. Il est conscient que sa collecte est de moins en moins importante. La solitude, les longues marches, les privations tout au long de 29 ans de mission à Chengdu ont eu raison de sa santé. Il a désormais près de soixante ans. En 1903, il a été nommé aumônier de l'hôpital de Chongqing. Il y reste jusqu'à ce qu'il subisse un accident vasculaire cérébral en 1909, après quoi il est transféré dans une petite communauté chrétienne située dans la campagne voisine, à proximité d'un autre missionnaire. Il meurt trois ans plus tard à Chongqing en décembre 1912, à l'âge de soixante-huit ans.
© Les Jardins du Loriot, 2019.
English
02- Paul FARGES
Born in Tarn-et-Garonne, Paul Farges arrived in China in 1867, aged 23. He was destined to work in the eastern part of Sichuan. This province (named after the four rivers which form the Blue River) is situated in a mountainous area, close to the Himalayas, north of Yunnan and east of Tibet. Its high summits (6 000 to 7 000 metres) rise out of a humid and misty layer which promiotes the development of a particularly thick vegetation. A Chinese proverb says: “The path to Sichuan is more difficult than the way up to heaven.” The Sichuan province was very densely populated consisting of 15 ethnic groups.
A dangerous mission
Father Farges was sent alone to several remote districts where small Christian communities lived. The situation was regularly very tense: in fact, the Chinese Empire retaliated to the slaughter of Christians by ordering ruthless repressions against the Buddhist authorities. Father Farges went back to the Chengdu mission. In spite of all those hardships and isolation (his nearest colleagues lived a few days’ trip away towards the south), Paul-Guillaume Farges was to stay there for 29 years. He was never to see France again.
He led a life of sacrifice for which he had been prepared at the Paris Foreign Missions living frugally (no wine, no bread). He successfully introduced several species of potatoes, Jerusalem artichokes and rye which were far superior to the traditional varieties. Maurice de Vilmorin sent goods in exchange for the seeds collected by Father Farges for the Arboretum des Barres which greatly improved the well-being of the population.
An excellent botanist
When Adrien Franchet, responsible for describing and classifying plants at the Paris Muséum d’Histoire naturelle, heard of the missionary’s interest in botany, he wrote to him in 1891, asking him to contribute to collecting Sichuan plants unknown in France. Father Farges enthusiastically accepted but he let his correspondent know that Sichuan plants could often be found only in the most inaccessible places, which implied that he had to find men who were brave enough to climb up and collect the plants on the edge of precipices and ravines.
The Muséum gave very practical advice regarding the gathering of plants, the making up of herbariums (drying, presentation, labelling), their conservation and their expedition. As payment for their work, the Muséum sent an allowance for each expedition. It enabled the porters and collectors who helped the missionary to be paid and the community’s living conditions to be improved.
Brave, a great walker, a methodical man and an expert in the Sichuan flora, Father Farges sent Franchet and his colleagues thousands of specimens, including may new species, mostly picked up in the Data Shan, a relatively low mountain range. The summits above Chengdu are not higher than 2 500 m. and they separate north eastern Sichuan from the Shaanxi province.
As far as botany was concerned, this area was not as rich as Yunnan but the flora was very varied, with many ligneous plants and Father Farges managed to send several major collections every year to Adrien Franchet.
Father Farges’s discoveries
A new species of bamboo: Fargesia
North of Sichuan, on the Daba Mountains, Father Farges collected quite a different type of bamboo from that which grew in the Chinese provinces of middle and low altitude. This bamboo grew in clumps (= caespitose) and were 2 to 5 metre high. They were little-known until then. Among the numerous species, Father Farges collected only one, more than likely because it was in bloom (quite a rare phenomenon for bamboo). From this one sample, Adrien Franchet created a new variety named Fargesia, in honour of the missionary. He called this species spathacea (because its leaves are sword-shaped). Fargesia spathacea was probably the first species ever to be described. A few years later, E. Wilson brought another Fargesia back to England; he dedicated it to his new-born daughter (Muriel [Fargesia Murielae). Up until 1982, only 2 species were known in the West. Today, it is one of the most important varieties of bamboo: in 1998, 120 species of Fargesia were collected in the provinces of Sichuan and Yunnan. The Fargesia variety is assimilated nowadays into a wider type which includes bamboo species such as Yushania, Borinda… Today, gardeners prefer Fargesia type varieties. Examples: F. robusta pingwu, F. robusta wolong, F. Juizhaigou, F. angustifolia… In garden centres, the designation of these species is often simplified; for example: Fargesia Red Panda (for F. Juizhaigou), Fargesia Rufa (for F. dracocephala), Fargesia angustissima (for Borinda a). Thus, without our realizing it, there is often a memory of Father Farges growing in many a garden.
Some species of plants dedicated to Father Farges: Abies fargesii (fir tree), Arisaema (a variety of tall arum), Bashania (bamboo); Catalpa f., Clematis f., Clerodendron trichotomum f., Decaisnea f., Epimedium f. (Epimedium grandiflorum), Paulownia f., Primula f., (primrose), Rhododendron oreodoxa var. f., Betula f. (birch tree). The 175 plants named fargesii cover only a tiny part of the thousands he had discovered.
A race between England and France to plant the handkerchief tree
In 1893, Franchet asked Father Farges for Davidia involucrata seeds; Davidia involucrate was Father David’s handkerchief tree. He wanted France to have the honour of growing the first specimen. They had to hurry because Davidia involucrata, also named dove tree, had recently been picked up in Sichuan by an Englishman. The species was fairly common around Chengdu but the gathering conditions proved quite difficult (a matter of how mature the seeds were.). Out of 37 seeds sent to Maurice de Vilmorin by the missionary in 1897, only one plant survived in Les Barres at the end of 1899. Four branches were removed in order to take cuttings. Only two of those survived. Vilmorin encouraged Father Farges to collect other seedlings with a view to ensuring the survival of this magnificent plant in France and to meeting the requests of park owners who were getting excited over the handkerchief tree. One year after Vilmorin, the nurseryman Veitch watched the seedlings sent by his plant hunter, Ernest Wilson, successfully germinate. Father Farges had the advantage of living there and, without faltering, he knew where and when he could find the famous trees laden with mature fruit.
Exhausted by his expeditions
At the end of 1900, Father Farges dispatched his last finds. He was fully aware that his collections were getting less important. The isolation, the long walks, the deprivations throughout his 29 years’ mission in Chengdu eventually affected his health. By then, he was almost sixty years old. In 1903, he was appointed chaplain of Chongqing hospital. He stayed there until he had a stroke in 1909, after which he was transferred to a small Christian community in the neighbouring countryside, close to another missionary. He died three years later in Chongqing, in December 1912, aged sixty-eight.
Translation by Marie Armelle TERRIEN, with participation of Bernadette HAND.
Deutsch
Zusammenfassung
Paul-Guillaume FARGES wurde 1867 in die tibetischen Marken geschikt. Er führte ein Leben in Armut und fand sich sehr isoliert in kleinen christlichen Gemeinschaften, die oft von den Lamas missverstanden wurden. Viel später wird er vom Naturhistorischen Museum von Paris gebeten, Pflanzensammlungen in Sichuan durchzuführen. Er ist ein großartiger methodischer Wanderer, und wird ein hervorragender Botaniker: Er wird 4000 Pflanzenarten sammeln, darunter viele neue Arten für die Wissenschaft. A. Franchet, vom Museum in Anerkennung der botanischen Arbeit von Pater Farges, teilt einer Art horstigwachsenden Bambus, den Namen Fargesia zu. Diese Bambus sind heutzutage in unseren Gärten sehr populär.
Zu Ehren von Pater Farges wird ihm ein Beet in den Gärten des Pirols (Jardins du Loriot) gewidmet. Es wird durch die chinesische Bake Nr. 2 in der Nähe der Tafel Jean Houzeau de Lehaie am Anfang des Lotuspfads (Station Nr. 7) angezeigt.
Saison 2020
Jeu 'Circuit des Explorateurs'
Question n° 1 - A quel genre de bambous le nom de Paul Farges a été attribué ?
Indice (s) : Quelques uns de ces bambous ornent le massif du Père Farges !
Question n° 2 - Où se trouve le bambou désigné Bashania fargesii?
Indice (s) : Il se trouve à 15 m du massif dédié au Père Farges, direction sud.